Quel est le prix d’un grand cru de Saint-Émilion ?
En 2010, un mathusalem de Château Cheval Blanc 1947 a battu tous les records. Ce grand cru de Saint-Émilion a été adjugé pour la somme extraordinaire de 304 375 $…
À Bordeaux, la tradition veut que le vignoble soit divisé en trois zones en fonction de leur position par rapport aux deux cours d’eau, la Garonne et la Dordogne : la rive gauche, la rive droite et l’Entre-deux-Mers. Aujourd’hui, nous ne parlerons pas de l’Entre-deux-Mers, car cette région est renommée pour ses vins blancs secs et moelleux. Ainsi, nous examinons la confrontation entre la rive gauche et la rive droite. Quelles disparités existent entre ces deux terroirs en termes de sols, de cépages, de paysages, de styles de vins, etc. ? Voici nos réponses, afin de vous offrir une perspective plus claire dans votre sélection !
La région viticole de Bordeaux se divise en deux sections distinctes : la rive gauche et la rive droite. Ces deux zones sont séparées par l’estuaire de la Gironde, qui se sépare en deux cours d’eau majeurs : la Dordogne et la Garonne. Sur la rive gauche, on retrouve la région du Médoc, où les cépages prédominants sont le Cabernet Sauvignon, le Petit Verdot, le Malbec et le Cabernet Franc. En revanche, la rive droite est principalement constituée de Merlot. Les vins de la rive gauche se distinguent par leurs tanins plus marqués et leur structure robuste, tandis que ceux de la rive droite se caractérisent par leur souplesse et leur caractère fruité.
La rive gauche englobe la région viticole du Médoc, située au nord de Bordeaux, et comprend les quatre appellations les plus renommées : St-Estèphe, Pauillac, St-Julien et Margaux. Elle inclut également les appellations Haut-Médoc, Listrac-Médoc et Moulis-en-Médoc. Au sud de Bordeaux, la rive gauche englobe Pessac-Léognan et Graves, ainsi que les vins doux de Sauternes et Barsac.
D’un autre côté, la rive droite abrite les appellations Pomerol et St-Emilion, qui comprennent également d’autres sous-appellations telles que Montagne, Lussac Puisseguin et St-Georges St-Emilion, ainsi que les Côtes de Blaye, les Côtes de Bourg, Fronsac, Canon-Fronsac, Lalande de Pomerol, Francs Côtes de Bordeaux et Castillon Côtes de Bordeaux.
Sur la rive gauche, qui englobe la région du Médoc, les caractéristiques prédominantes incluent la dominance de cépages rouges tels que le cabernet sauvignon, le merlot, le petit verdot, le malbec et le cabernet franc. Le terroir est principalement plat, avec une terre arable et du calcaire en dessous. Les vins de cette zone sont généralement des assemblages présentant des niveaux élevés de tanins et une structure générale plus imposante que ceux de la rive droite.
Quant à la rive droite, elle est principalement plantée de Merlot, de Cabernet Franc, de Cabernet Sauvignon, de Malbec et de Petit Verdot, utilisés comme cépages d’assemblage. Le terroir est composé d’une surface calcaire avec peu de graviers et plus d’argile. Les vins de la rive droite sont souvent riches en fruits, doux en bouche, avec moins de tannins et d’acidité. Les domaines situés sur la rive droite comportent généralement une exploitation moyenne de cinq hectares, en comparaison avec ceux de la rive gauche qui peuvent s’étendre sur plus de 100 hectares.
N.B : À la fin de 2020, l’INAO, l’Organisme National Français en charge des Appellations, a autorisé l’utilisation de six nouveaux cépages dans la région du Bordelais pour faire face aux conséquences du changement climatique. Cependant, toutes les appellations ne peuvent pas les utiliser, et il est probable qu’ils seront principalement employés pour les vins AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Entre-deux-Mers et Côtes de Bordeaux.
Il est vrai que certains millésimes se révèlent meilleurs pour les vins de Bordeaux de la rive droite par rapport à ceux de la rive gauche, mais il est difficile de généraliser cette idée. Par exemple, il existe des années où Pomerol surpasse nettement Saint-Emilion.
En règle générale, les amateurs et professionnels estiment que les meilleurs millésimes pour les vins de Bordeaux de la rive droite sont : 2021, 2020, 2019, 2018, 2016, 2015, 2014, 2012, 2010, 2009, 2008, 2006, 2005, 2004, 2001, 2000, 1998, 1995, 1990, 1989, 1988, 1985, 1982, 1971, 1970, 1964 et 1961.
En ce qui concerne la Rive Gauche, les millésimes considérés comme les meilleurs sont : 2021, 2020, 2019, 2018, 2016, 2015, 2014, 2012, 2010, 2009, 2008, 2006, 2005, 2003, 2001, 2000, 1998, 1996, 1995, 1990, 1989, 1988, 1986, 1985, 1982, 1971, 1970, 1966, 1961, 1959, 1955, 1953, 1949, 1948 et 1945.
Les vins de la rive gauche jouissent d’une reconnaissance exceptionnelle grâce à leur intégration dans le prestigieux classement de 1855, instauré par Napoléon III lors de l’exposition universelle de Paris. À cette époque, les courtiers établissent une liste de domaines en se basant sur des critères tels que la notoriété, la beauté du château et le prix de vente des vins, exclusivement issus de la rive gauche de la Garonne, principalement du Médoc et de Sauternes, avec le seul représentant de Pessac-Léognan, le Château Haut-Brion. Seules deux modifications ont été apportées depuis, ce qui rend ce classement toujours d’actualité et contribue au rayonnement de la rive gauche.
Un classement similaire existe également pour les vins blancs liquoreux de Sauternes et Barsac, avec le célèbre Château Yquem en tant que seul premier cru supérieur. Cela explique peut-être également la tendance à avoir des exploitations plus vastes sur la rive gauche, avec une part importante de châteaux appartenant à de grands groupes et investisseurs. Une plus grande étendue de terres se traduit également par une production plus importante, rendant les vins de la rive gauche naturellement moins « rares » que ceux de la rive droite.
Parmi les grandes figures au sud de la Garonne, on retrouve des noms emblématiques tels que Château Lafite-Rothschild, Château Latour, Château Mouton-Rothschild, Château Margaux, Château Cos d’Estournel, Château Haut-Brion, Château Yquem et Château Climens.
À Saint-Émilion et Pomerol, deux appellations d’origine contrôlée (AOC), le merlot occupe une place quasi exclusive dans l’assemblage, bien qu’il puisse être accompagné de cabernet franc, qui contribue à l’équilibre avec ses notes de fruits rouges, et de cabernet sauvignon, pour son corps et sa puissance. On peut également trouver en dose minime d’autres cépages tels que le petit verdot, le malbec ou le carménère. Les vins qui en résultent sont complexes, souples, fruités et présentent des tanins fondus. Ce sont des vins de garde, généralement plus rapidement accessibles que leurs homologues de la rive gauche.
Dans ces régions, les exploitations sont en général plus petites et restent souvent la propriété de familles de vignerons. Saint-Émilion dispose également de son propre classement de grands crus, moins célèbre que le prestigieux classement de 1855, mais tout aussi captivant pour les amateurs. Placé sous l’autorité de l’Institut national des appellations d’origine (INAO), ce classement existe depuis 1955 à la demande du syndicat de défense de l’appellation saint-émilion-grand-cru. Révisé tous les 10 ans, il est le seul classement en perpétuelle évolution. Depuis sa création, 7 classements ont été publiés, le dernier en date étant celui de 2022 où les grands crus classés A de la rive droite, tels que Château Figeac et Château Pavie, font leur apparition. Cependant, ce classement de 2022 a suscité des contestations, notamment de la part de Châteaux Ausone, Cheval Blanc, Angélus et La Gaffelière, qui ont choisi de ne pas y participer.
Parmi les grands noms de la rive droite, on peut également citer Petrus et le Château l’Évangile à Pomerol. Étant donné la taille plus modeste des propriétés, lorsque celles-ci jouissent d’une véritable réputation, leurs vins rouges sont très demandés en primeur et aux enchères, à l’image du célèbre Petrus. Il est intéressant de noter que c’est surtout sur la rive droite que l’on peut être surpris par le dynamisme de certaines propriétés. Moins contraintes par la structure des grands classements, certaines exploitations se démarquent par leurs assemblages, leur engagement envers la bio ou la biodynamie, et la flexibilité de leur hiérarchie. Un exemple frappant est l’histoire fulgurante du Château de Valandraud, aujourd’hui premier grand cru classé, mais autrefois qualifié de « vin de garage ».
Pour résumé nous pouvons dire que la diversité des terroirs et des pratiques viticoles entre la rive gauche et la rive droite confère aux vins de Bordeaux une richesse et une complexité uniques. Tandis que la rive gauche s’appuie sur le prestigieux classement de 1855, la rive droite, avec ses exploitations familiales et son classement dynamique, démontre un dynamisme et une créativité qui contribuent à la renommée internationale de cette région viticole emblématique. Bordeaux continue ainsi d’émerveiller les amateurs de vin par sa tradition séculaire et son adaptabilité aux évolutions contemporaines.